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jeudi 5 août 2010

Championnats de Monde. Italie





Jeudi 5 août

Nous sommes arrivés hier soir avec les filles. Il a plu à partir d’une heure du mat. Éclairs, tonnerre, grosse pluie, bref, le pied sous la tente. De plus, à 5h alors que je pensais m’endormir, 3 coqs se mettent à annoncer le levé du jour. Je mets le nez hors de la tente, sous la pluie. Il fait froid. Brrr. Et dire qu’on doit avoir une épreuve de sprint cet aprèm… Toute la bande est là. Philippe avec sa file est venu de Frontignan. Son camion trône au milieu de notre campement avec son drapeau français géant. Thierry est venu avec Femme et enfant armée de sa superbe BCS et de sa Gravity de descente qui fera le bonheur d’un Américain qui voulait en acheter 12 ! Voilà pour le Team-Trotbike dont je fais partie. Les Lyonnais sont là avec Christophe notre grand gourou venu avec femme et meute d’enfant, Seb également en famille, Josselin qui lui carrément vient avec son bébé Clara. Le plus jeune concurrent du plateau ? Jeff viendra le sur lendemain avec madame pour participer au 37Km. En attendant il bosse lui. Et pour finir Luc et Carol nos deux champions qui sont là pour mettre à mal la suprématie nordique.

24 français composent donc notre village gaulois.


La pluie va durer encore toute la matinée. L’organisation est confiante pour l’après-midi. Après tout ils sont chez eux, mais moi les gros nuages noirs je ne les voyais pas partir.

Hé ben si. Ils sont partis ! Ils nous ont laissés tranquille à partir de 12h. On déjeune tôt et l’on part vers le stade.

On commence par l’épreuve de sprint. Elle se situe sur une piste d’athlétisme. Le jeu est simple : Départ arrêté, et un tour de piste de 400m. Il y a déjà un public nombreux. Mon résultat sera de 55’49. Je me classe 21/26 (vétérans homme). Le meilleur de la série des vétérans sera Hannu en 46’87. Nous passons un par un toute les 30’’ de manière à attendre le moins possibles (130 compétiteurs quand même). Sur les 26, les 16 premiers sont sélectionnés pour les ¼ de finales. Là, c’est un duel. Les concurrents partent 4 par 4, le dernier est éliminé.  Très impressionnants. On est aux premières loges pour assister à des runs mémorables et apprécier les différentes montes des machines ainsi que les techniques de poussée. Comme à Lyon, les 3 quart des machines sont des Kickbike, suivent quelques BCS (nous sommes en Italie), des Ketam, Kotska et prototypes à grandes roues. Il y a même une KBike, modèle tchèque à roue de 12 pouces piloté par un Slovaque (Il ira plus vite que moi le bougre, comme quoi la taille des roues …).

Puis viennent les Demi-finales et finales. Ces deux dernières épreuves seront après le repas servit sur place (bizarre non ?). Il est 20h et je m’endors à table. Mes filles idem. Manon s’est « arrachée » en signant un chrono de 59’’ et Lou a fait 4 tours de pistes à fond. Elles sont épuisées. Tant pis pour les dernières courses, je ramène ma troupe, une bonne douche (au milieu d’une nuée de moustiques !!) et nous filons au lit, je suis mort de fatigue. La nuit et la discutions des coqs du matin m’ont détruit. 




Vendredi 6 Août

5h, le coq prévient ses potes « hé les gars, c’est le matin !! » « Quoi ? » « C’est le matin ! » « Je préviens Giovanni, hé gio !, c’est le matin ! » « quoi ? » etc … Bref, les coqs cocoricotent à bloc et moi à défaut de posséder une arme à feu afin d’assurer le repas de midi (coqs au vin), je me lève. Lentement surgissent des tentes mes compagnons d’infortunes. La matinée se passe en papotage, essais des machines, modifications en vue des courses et commentaires de celle de la veille. On rencontre nos homologues étrangers et partageons nos expériences.

Nous nous déplaçons vers le sud à une dizaine de km de notre camp de base. Le « Continental Circus » des Trots envahi le petit village de Strambino. Ici, nous aurons les 15 Km et l’épreuve tant attendue et redoutée : le Relai. Manon participant aux 15 Km, je lui laisse la KB Racer et j’équipe ma Xh en route. Roue slick à l’avant, fourche bloquée en position basse, roue de 18 pouces de KB à l’arrière. Le frein arrière ne pouvant pas passer, je le sacrifie pour l’épreuve. J’ai un super frein avant, ça devrait faire l’affaire. Je pars donc avec une machine presque aussi basse qu’un KB normal, mais avec quelques kg en plus. Pas grave. Pour prendre en main la nouvelle configuration de mon destrier et « chauffer » un peu Manon, nous nous baladons dans la vieille ville. Typiquement Italie profonde : Petite rue pavés, arrières cours avec le linge qui pend aux fenêtres, une église ou une chapelle dans chaque rue et au détour d’une impasse une magnifique demeure avec grille en fer et statue de lions en pierre pour garder l’entrée. On se croirait dans le film « Le parrain » de Coppolla. On s’attend à ce qu’une Limousine transportant le clan Corléone surgisse de derrière l’imposant portail.





Le départ est donné sur la place de l’église principale sur des pavés. En première ligne sont placés les élites(dont Luc), derrière c’est le bon peuple (moi et mes potes), puis vienne les filles. Top c’est parti ! Nous attaquons par une route plate et droite de 2,5km. Comme d’hab je suis immédiatement dans les 5 derniers. Devant ça cravache sévère, je les vois s’éloigner de plus en plus. Décidément nous ne sommes pas de la même planète.

Je pars sur mon rythme habituel, il fait très chaud mais j’ai connu pire. On sort de la grande route par une petite côte dans un village. Je double deux ou trois concurrents dans la côte. Certains ont déjà mis pied-à-terre. C’est vrai que ça monte velu !  Nous attaquons ensuite une petite route dans la campagne vallonnée. Pas mal d’ombre, ça tourne beaucoup, ça monte, ça descend, cette promenade bucolique va durer 4,5km. Enfin je dis bucolique, c’est pour le paysage parce qu’à l’intérieur de la course, on a très chaud. Je pense à m’hydrater régulièrement. J’aime la chaleur, j’espère qu’elle va m’aider à éliminer la concurrence. Dès le début de la portion, je rattrape Philippe qui est en train littéralement d’exploser. En le doublant lentement il me dit qu’il n’en peut plus, qu’il arrête… (Il se reposera à l’ombre et repartira quelques minutes plus tard plus frais). C’est le moment où les premières féminines me doublent à fond. Je les entends se rapprocher en tapant le sol. C’est hallucinant de les voir passer comme ça. Carole est à la poursuite des premières. Elle suit leur rythme. La ballade et le paysage sont sympas. De jolies maisons typiques jalonnent le parcours, à chaque carrefour ou au sommet d’une côte, une foule est présente pour nous encourager. Et c’est vrai que dans une côte où les gens vous hurlent « Forza, Forza !! », on se sent pousser des ailes. Je commence à rattraper Christophe, je me rapproche de lui à chaque bosse. Il se retourne souvent et maintient son avance. Il a bien vu qu’il était pourchassé. Mais les premières descentes arrivent à je ne peux pas lutter avec 20 Kg d’écart…

Une ligne droite de plusieurs kilomètres en descente va sonner le glas de ma poursuite. Christophe disparaît à vive allure au loin, je ne le reverrai jamais. Je me fais doubler par tous les « lourds » que j’ai passés dans les côtes. Allongé sur le guidon à plus de 50 Km/h, je me fais doubler régulièrement. J’enrage : « C’est trop injuste !!, c’est leur poids qui les faits gagner, pas leur physique !! c’est dégueulasse !! » Avec mes 65 Kg, qu’est ce que tu veux que je fasse… Je n’ai pas assez marqué l’écart dans les premières côtes, je le paye maintenant. Comme ce concurrent de 120 Kg qui a marché toutes les côtes et me double maintenant comme une fusée. Revenu sur le plat, je reprends ma poussée alors que lui est encore sur l’inertie et continu sur son élan. Je finis par le rattraper, il reste dans ma roue. Avec son surpoids, et mon physique de fondeur, je devrais le pourrir sur le plat !! Sauf que, dans  les 120 KG, il y a aussi du muscle, et son ventre proéminent de buveur de bière cache trois poumons et deux cœurs. Ce gars à une « caisse » énorme et lentement il va se détacher, je le vois disparaître au loin, je ne peux pas revenir. Impossible d’aller plus vite. Je ne suis pas mécontent coté musculaire, je n’ai aucune crampe. Pas l’ombre d’un début. J’ai ma tendinite au genou droit qui commence à se réveiller. La douleur ne me gène pas trop pour la poussée. Par contre après course se sera très douloureux. En attendant je rentre dans le village et je regarde ma fourche. Elle paraît bizarre… Toujours bloquée mais on dirait qu’elle est plus haute ! Depuis un moment elle est remontée lentement ! Diantre ! Je pousse en position haute, tu m’étonnes que je fatigue ! J’arrête et replonge en bloquant l’avant. Je regagne 3cm. C’est beaucoup mieux ! Je repars et franchis la ligne d’arrivée sous les hourras du fan club de l’équipe de France et de la foule massée là.


Les données GPS à l’arrivée sont : 14,9km de trajet. Durée 42’09, Vitesse max : 57,2. Moyenne 21,02.

Je me classe 23/26 en vétéran homme et 94/120 au général.

Manon en 48’30 à 19,174 de moyenne.(4/5 en cadette et 117/120 au général)

Le premier (Kai Immonen) finira en 30’05 à 29,94 de moyenne !!


Le relais :

Disons le tout net, c’est un truc de fou. Le circuit est une boucle de 500mètres composée comme suit : Départ en descente 100 mètres à -10%, puis demi tour par un long virage à droite, remontée de la précédente descente (donc 100m à +10%), léger plat d’une cinquantaine de mètres, long virage à droite sur les pavés (ça gliiiisssseeeeeuuuu !!!), on passe l’arrivée et on replonge dans la descente, etc… Le changement de pilote (3 par équipe) se fait sur le plat juste en haut de la côte. L’exercice va s’avérer extrêmement épuisant. Les changements étant libre, nous avons opté pour 2 ou 3 tours chacun, de toute façon le relayeur se tenant prêt au cas où au premier tour le collègue est épuisé…


Je démarre les hostilités, nous sommes 19 pousseurs qui partent à fond. Ca pousse très fort. Je fais deux tours mais dès le début du deuxième je suis mort, plus de jus. La côte est horrible à monter, je me fais doubler par des cinglés qui sprintent comme des malades. Imaginez la chose suivante : Vous courrez à fond 1’30 (mais vraiment à bloc hein ?, pas d’histoire, je parle là de sprint ! le genre de truc où il vaut mieux ne pas avoir de cardio sinon il va bipper une alarme tout le long), vous vous arrêtez 2’30 et vous recommencez le tout pendant une demi-heure. Un bon petit exercice de fractionné. Au bout d’un certain temps, on arrive plus à récupérer et on repart à fond alors que le cœur n’est pas encore descendu de l’effort précédent. Envi de vomir, plus de souffle, épuisement, voilà ce qu’on vit. Je n’ai jamais rien fait d’aussi difficile. Les tours s’enchaînent, on finit par ne plus réfléchir, le cerveau passe en automatique. Sur un passage de relais j’ai tout à coup l’impression d’avoir raté le relais précédent et d’avoir tourné deux fois en oubliant Thierry… Les tours s’enchaînent à une vitesse folle.



Thierry surgit de la côte épuisé, je me lance en courant en évitant les concurrents qui sont en train de passer le relais. On zigzague, on slalome en sprint… Thierry me tend la bécane, je la saisis en courant et relance le sprint, le tout à 25/30Km/h. Ne pas tomber, surtout ne pas tomber ni percuter quelqu’un. La foule est compacte autour de nous, les autres relayeurs font aussi la même chose. C’est la partie la plus délicate du parcours. Ensuite sous les encouragements de clan gaulois, je repars à fond, fais le tour de la place (la roue arrière glisse légèrement dans le virage) et me lance dans la descente allongé sur la potence. Arrivé en bas il faut négocier le virage entre deux plaques d’égouts traites. Un concurrent hollandais va se vautrer grave, l’ambulance interviendra. Nous le verrons le soir les deux bras en écharpe et le menton complètement bandé. Puis la côte à pousser à fond avant de surgir sur les pavés où m’attend Philippe. Là je saute de la machine et tout en courant je la tiens par la potence, lui donne, et dès qu’il est dessus, je le pousse de toute mes forces pour l’aider à se lancer. Puis je repars me mettre en position pour attendre Thierry 2’30’’ plus tard, etc …

Nous finissons 16/19 complètement épuisé devant la deuxième équipe française.


L’Endurance le Dimanche 9 Août

L’épreuve reine, celle qui va clôturer ces trois jours. 37 Km à faire sur une boucle de 3,7km. Dès que le premier finit ses dix tours, la course s’arrête et on finit le tour en cours.

Les 120 Trotteurs sont alignés sur la large avenue. Les motards d’ouvertures sont en place ainsi que le public venu nombreux. Ici c’est un sport national. L’ambiance est différente de chez nous où nous passons pour des gentils cinglés. En Italie nous sommes des sportifs respectés.

Départ à bloc bien entendu. Nous grimpons la première côte plein pot (240m de long  pour14m de dénivelé) et prenons une petite route qui serpente et ondule autour d’un lac. Il y a pleins de côtes et de descentes. On revient au départ par la grande avenue et on recommence. Je boucle le premier tour en 9’38’’ (23,04 de moyenne). J’attaque le deuxième tour mais un gros coup de fatigue me prend. Je tente de faire bonne figure mais je n’ai plus de jus. Je suis parti trop vite. Je boucle le deuxième tour en 10’30’’(21,13). Pendant le troisième tour la forme revient. Je sens que je peu pousser plus fort dans les côtes. Je cherche à bien récupérer dans toutes les descentes. Je choisis les trajectoires aux petits oignons et vise les portions d’ombres dès que je peux. La chaleur est plus facile à supporter. Le troisième tour est bouclé en 10’42’’ (20,72). Pour le ravitaillement, je me suis organisé avec Manon. Si j’ai besoin de quelque chose je lui demande en passant et elle me le prépare pour le tour d’après. Je maintiens l‘allure dans le quatrième en 10’32’’(21,05) et le 5ème en 10’33’’(21,01). Difficile de faire plus régulier non ? D’autant que je n’ai pas de compteur. Ces chiffres je les ais récupérés après l’arrivée. Dès le 6ème tour, une Australienne me rattrape et me double. Je m’accroche et la remonte,  la double. Elle reste dans ma roue, profite d’un moment de faiblesse et me redouble. A mon tour de profiter fourbement d’un intérieur de virage et sur un petit sprint je repasse devant. Nous allons jouer à ce petit jeu pendant trois tours. Je finis par la lâcher à la dernière côte, mais sur la fin elle me recolle. Le 7ème tour sera le plus lent en 11’15’’(19,72) car les élites passent comme des fous. Kai et sa bandes de poursuivants nous ont déjà mit deux tours dans la vue (je parle pour moi et l’australienne). On se fait doubler sans arrêt. Comme ils jouent la gagne, pas d’obstruction de notre part, on leur laisse les meilleures trajectoires. On se pousse pour les laisser passer en les encourageant.

Dernière ligne droite. Le tour d’avant Thijza (arbitre officiel) m’a annoncée « Last Lap ! ». On se présente avec l’Australienne au début de l’Avenue. 200m plus loin, on devine la ligne d’arrivée au milieu de la foule (Vu le monde présent, on se croirait à l’arrivée d’une étape du tour). Je regarde ma compagne et lui lance « Last sprint together ? are you ok ? » « _yeah ! » «_ ok, you decide » Elle hurle un « Now ! » tonitruant et lâche les watts. Je fais de même et nous partons en apnée le long de l’avenue comme des cinglés. Nous doublons même une Italienne qui nous avait doublés avant le départ du sprint. Elle relâchait la pression quelques mètres avant de franchir la ligne et s’est vue pourrir par deux fusées au dernier moment. Un peu vexée quand même la minette…le dernier tour se fera en 10’46’’ (20,59)





Je boucle 8 tours. Je me classe 84/112 au général et 22/27 en vétéran en 1h24’38 soit 20,98 de moyenne.

Kai (bien entendu) finit premier en 1h14’49 en 29,66 de moyenne.

Au final pour l’Eurocup, je passe à la 56ème position (sur 117). Manon 2ème sur 5.
Au classement fil de l’eau depuis 2008 je suis 89/193.